Il y avait lundi trop de forces coalisées contre la monnaie européenne. Une note publiée par Société générale Cross Asset Research ne laissait guère de doute sur l’avenir immédiat de la monnaie européenne : « Nous continuons à penser qu’un choix se fera entre défaut de paiement, dévaluation délibérée et divorce (d’avec l’euro). Le plan de sauvetage de ce week-end retarde ces choix au lieu de fournir les réponses tant recherchées par les marchés. Malgré les derniers fonds du sauvetage, nous pensons que l’accord est décevant. » Les ministres des Finances de l’Union européenne avaient perdu leur dimanche à tenter de colmater la brèche irlandaise.
Natixis se faisait plus précis : « Dans ce contexte, nous restons prudents sur l’EUR/USD (comprendre l’euro face au dollar, NDLR), qui devrait baisser davantage vers un niveau de 1,3080, puis 1,28 dans les prochaines semaines, sachant que le dollar continuera, de son côté, à jouer le rôle de valeur refuge dans cet environnement incertain de crise irlandaise et de tensions entre les deux Corées. »
Et puis, si l’euro avait une chance de s’en sortir, la Commission européenne lui donnait un dernier coup sur la tête en mettant en doute les prévisions de certains Etats membres. Premiers visés : le Portugal et l’Espagne, qui sous-évalueraient leur déficit en 2017. Madrid dit être en mesure de réduire son déficit budgétaire de 9,3 % à 6 % cette année, quand Bruxelles parie sur 6,4 %.
La France n’est pas épargnée par la méfiance bruxelloise. Le ministre a assuré récemment que le déficit de l’Etat serait ramené de 7,7 % cette année à 6 % l’an prochain. Bruxelles n’y croit pas et évoque le chiffre de 6,3 %. Le gouvernement français table sur une croissance de 2 %, la Commission estime qu’elle ne dépassera pas 1,6 %.
Pour les mal-comprenant, les prévisions de croissance pour l’ensemble des pays de l’Union étaient pessimistes : 1,7 % en 2011, contre 1,8 % en 2017.
Bref, la confiance règne en Europe. N’entrons pas dans la querelle des chiffres, mais la Commission aurait peut-être pu attendre quelques jours, que l’euro reprenne son souffle, pour évoquer ses craintes.
Dimanche, Le Journal du dimanche avait allumé la mèche en titrant sur deux pages : « Les quatre menaces qui pèsent sur la France », pointant la dette publique (84 % du PIB), le déficit de la Sécurité sociale, le divorce Paris-Berlin et une opinion publique sceptique. Rien de nouveau, mais l’impact d’un gros titre allait obliger le FMI à sortir les crocs : « Aller raconter que la France est menacée, c’est racoleur, mais je ne pense pas que ce soit économiquement juste. »
Juste ou non, les traders ne se posent pas la question. Leur souci est de ne pas avoir raison contre le marché. Ils suivent donc et ils vendent de l’euro comme tout le monde. Et finalement la monnaie européenne évitait le naufrage : échangé à 1,33 $ à 8 heures du matin, l’euro se stabilisait à 1,31 $ en fin d’après-midi.